Sécheresse oculaire

  • Auteur: S. DEPLUS
  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



La sécheresse est l’une des complications courantes après greffe de moelle, qu’il faut savoir reconnaitre et éventuellement attribuer à une réaction du greffon contre l’hôte (GVH). Son traitement reste symptomatique et souvent insatisfaisant.

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Les signes cliniques de la sécheresse sont multiples

 L’inconfort est le maître symptôme; le patient signale une difficulté à ouvrir les yeux le matin, des douleurs brèves le réveillant la nuit ou déclenchées par de nombreux facteurs (fumée de cigarette, vent, froid, lumière vive ou phares, fatigue, effort de lecture…).

 La photophobie est quasi constante

 La sensation de sable, de corps étranger est banale

 Un larmoiement paradoxal accompagne souvent cette sécheresse et toute irritation, même minime, fait pleurer le patient

 Les yeux sont rouges, sales avec des sécrétions accumulées dans le canthus interne. Le regard est plus terne.

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Examen à la lampe à fente

Le film lacrymal moins brillant se déchire trop vite à la chaleur de la lampe (temps de rupture du film diminué). L’examen, douloureux, est facilité par l’installation de collyre anesthésique. Le test de Schirmer ne fait que confirmer l’impression clinique; l’utilisation des colorants est plus intéressante : la fluorescéine et le rose bengale illustrent les altérations de la surface conjonctivale et cornéenne. L’évolution peut être grave, marquée par des épisodes d’ulcération, de néovascularisation avec opacification de la cornée, voire perforation.

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Causes

La recherche étiologique est dominée par la crainte d’une GVH ; en effet, devant un tableau associant brûlures, yeux rouges et photophobie, les hypolacrymies iatrogènes (sédatifs, neuroleptiques, antispasmodiques… la liste est longue) sont assez facilement éliminées; une cause physique est évoquée chez un greffé en bulle stérile dont l’air est très sec ; une conjonctivite allergique s’accompagne volontiers d’une sécheresse, et dans les suites d’une conjonctivite virale le film lacrymal est perturbé ; on n’oubliera pas une cause diététique (amaigrissement, régime dissocié). Enfin, rappelons la toxicité de certaines chimiothérapies, bien connue (cyclophosphamide, méthotrexate, 5FU, etc.).

La GVH témoigne d’un conflit immunitaire systémique entre les Iymphocytes incompatibles du donneur et le tissu Iymphoïde du receveur; les lymphocytes prolifèrent et attaquent des cibles porteuses d’antigènes : ici la peau, les muqueuses et parfois l’uvée. Le choix immunologique du donneur est essentiel dans les greffes de moelle, important dans les transplantations d’organes comme le coeur, les poumons, le rein, moindre dans les greffes de foie et sans conséquence pour la cornée. Cette notion explique que les patients d’hématologie soient plus menacés et atteints dans 60 à 80 p. l00 des cas. La réaction peut être aiguë ou chronique.

Les signes oculaires de GVH aiguë se déclarent entre la 2e et la 4e semaine après la greffe : blépharite, conjonctivite et kératite. La blépharite n’est que la localisation palpébrale de l’épidermolyse bulleuse. La conjonctivite est de type membraneux avec une desépithélialisation complète de la muqueuse. L’évolution est favorable grâce au traitement général de la GVH et si la membrane se détache spontanément. Mais si elle est arrachée, lors de l’examen ou des soins, le contact direct de la conjonctive bulbaire et du derme tarsal mis à nu favorise leur accolement avec symblépharon et entropion. La destruction des glandes lacrymales accessoires logées dans la conjonctive entraîne une sécheresse. La kératopathie est la conséquence des perturbations du système de protection du globe : simple ponctuation superficielle, bulles épithéliales dont la rupture fait apparaître une plage ulcérée très douloureuse.

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Traitement

Le traitement est celui de la GVH : localement, il faut restaurer un film par des collyres ou pommades cicatrisants et lutter contre l’inflammation par des collyres anti-inflammatoires non stéroïdiens plutôt que par des corticoides.

La GVH chronique débute plus tard, au 3e mois postgreffe, car il s’agit de réactions d’hypersensibilité de type II et III. Les formes cliniques sont nombreuses, mais l’atteinte cutanéo-muqueuse est quasi constante : 90 à l00 p. l00. Le risque est de voir succéder à une phase érythémateuse et lichéniforme une atrophie. La peau est scléreuse et pigmentée; au niveau de la conjonctive, la muqueuse est décolorée et les glandes lacrymales accessoires détruites. La sécheresse est évidente.

Plus rarement, une uvéite antérieure discrète ou postérieure, à type de vascularite, témoigne du conflit immunitaire. Une myosite des muscles oculomoteurs a été signalée. Le traitement est général, immunosuppresseur. Localement en période érythémateuse, il faut tenter de juguler l’évolution vers une atrophie par un traitement cicatrisant et anti-inflammatoire. Plus tard, un traitement substitutif est proposé : larmes artificielles à la demande, gels d’action plus prolongée, obturation des canaux lacrymaux par des clous. 1l est évident que cet état favorise les surinfections et des complications trophiques de la cornée.